Le retour de la crêperie

Wendy répondit avec naturel sans prêter attention à mon malaise. Je respirai, goûtant une fois de plus à ce soulagement proche de la défaillance. Je m'étais fait des idées. Encore.
Elle me dit qu'elle était un peu sensible étant petite, et que c'était ce qui l'avait détournée de l'idée d'être médecin. Je la comprenais, beaucoup de gens subissaient ce genre d'inconfort - la plupart des proches se gardaient bien de venir voir un patient après une opération sanglante, par peur de voir des traces un peu violentes, et demandaient donc aux infirmières de transmettre les messages. Je me posais néanmoins une question.

- Maintenant tu n'es plus dégoûtée ? Il t'es arrivé quelque chose pour que tu y sois insensible ?

Personnellement, j'avais toujours eu l'habitude des plaies ouvertes, des os saillants, et tout ce charmant bazar qui formait mon quotidien. Quand on avait grandi dans les bazars de Córdoba, on voyait souvent les proxénètes traîner derrière eux des jeunes filles agressées ou couper les mains d'enfants pour qu'ils rapportent plus en mendiant.

Changeant une fois de plus le sujet, Wendy me mit au fait de son inscription à... Face de Plouk ? Oh, Facebook. Je ris de ce lapsus, sans doute intentionnel.

- Bien sûr, j'ai un compte, "Gwen Pomfresh". Je suis bien curieuse de savoir à quoi tu ressemblais quand tu étais jeune ! Dis-moi, tu as toujours eu ces cheveux-là ?

Wendy avait raison, la plupart des gens acquéraient une certaine insensibilité au sang avec la maturité. Même si j'avais vu des cas de phobie incurables, bien souvent malvenus à l'hôpital.

  Mon téléphone sonna, signalant une alerte facebook lorsque Wendy m'envoya son invitation. Je l'attrapai, acceptai la jeune femme comme amie et fit un tour sur son mur.

- Oui, on dit bien une invitation, que je viens d'ailleurs d'accepter ! Oh, j'adore cette photo de toi, là, à 16 ans...

  En effet, je pouvais voir la très jolie jeune fille châtain qu'avait été Wendy. Elle n'avait pas beaucoup changé, si ce n'était ses pommettes désormais plus hautes, plus féminines. Elle avait dû faire des ravages dans la cour de son lycée.

  Elle me taquina un peu sur ma crédibilité. Non, je ne la croyais pas née avec ces cheveux, à moins qu'elle ne soit en fait un organisme génétiquement modifié ! Je souris, amusée, à cette pensée. Cela expliquerait peut-être au moins pourquoi elle m'était imperméable.

- Mais non enfin ! Je voulais surtout savoir depuis quand tu l'avais. Enfin, maintenant j'ai la réponse... Oh, les enfants ne bavent pas sur tes cheveux au moins ? ça doit être trop mignon, mais un peu salissant. *rigole*

  Ainsi, elle aimait être différente ? Je l'admirais pour cela aussi: elle n'avait pas peur de se faire remarquer. Moi qui voulais toujours me fondre dans la foule lorsque je me retrouvais coincée dedans, j'étais sur ce point bien différente d'elle.

  Elle me montra des photos de sa "vie d'avant". Parmi celles-ci, je retrouvai celle de son mur, en meilleure qualité. Wendy avait toujours eu un très beau visage. Je me demandai si cela lui avait déjà porté préjudice; après tout, les gens ont vite fait de se forger une opinion sur vous avant même de vous avoir adressé la parole...

- Dis donc, tu as toujours eu un physique de mannequin. Les garçons devaient s'arracher tes privilèges, non ?

  Elle me faisait un peu penser à ces filles populaires au collège, que les garçons tentaient constamment d'impressionner. J'avais pour ma part toujours été assez loin de ce genre d'attentions.

Gwen avait bien aimé la photo de Wendy à 16 ans. Cette dernière en fut ravie, qui plus est, elle n’avait rien remarqué. Elle croyait vraiment que c’était elle sur la photo et n’avait pas envisagé à la modification. Wendy s’en frottait les mains, expression, évidement. Puis Gwen, après avoir raconté l’histoire sur la barbe à papa, se mit à rigoler, comme le rire est contagieux, Wendy rigola avec elle. Puis, surement après avoir regardé encore une fois sa photo, elle parla de son succès auprès des hommes. Wendy rigola doucement.

-Pour ne rien te cacher oui. Pas mal par rapport à des amies. Mais il n’y a pas que ça dans la vie, alors j’avais un petit-ami qui se considérait comme le plus chanceux de la Terre mais je préférais travailler pour bien réussi dans la vie. Les petits amis ça ne fait pas tout, comme disait ma mère, elle est mannequin, elle sait très bien que la beauté ne dur qu’un certain temps et qu’il vaut mieux entretenir son quotient intellectuel et se cultiver ! Je lui dois beaucoup. Et en partie ma réussite scolaire.

Elle avait raison, la beauté ne faisait pas tout, même si elle aidait. Au niveau des barrières sociales de temps en temps malheureusement. Être belle était un avantage mais si l’intelligence ne suit pas, alors les gens finissent par vous prendre de haut, disant qu’elle n’avait que ça. Ce genre de scénario arrivait souvent.

-Et toi alors ? Je suis sûre que tu as toujours eu cette bouille magnifique !

Un joli fou rire agrémenta notre conversation lors du passage "Barba à Papa". Cela faisait fort longtemps que je n'avais pas autant ri avec quelqu'un en une seule soirée ! Peut-être avec Ginny. Cela avait dû m'arriver plusieurs fois.

Wendy me confirma qu'elle avait eu beaucoup de succès. Et cela ne lui était pas monté à la tête, quelle force de caractère ! Elle ne s'était pas contenté de ce qu'elle avait déjà, visant un bel avenir garanti par un parcours scolaire brillant, apparemment.

- Tu sais, ce n'est pas courant des filles à la fois jolies et intelligentes ! Les gens prennent de haut souvent parce qu'ils sont jaloux. En tout cas, tu avais de l'ambition et tu as réussi à ne pas te laisser happer par ce que te disaient les garçons... Bravo, moi je n'en aurais pas été capable ! *rit*

Et c'était vrai ! Je n'avais eu pratiquement aucune expériences avec les garçons. Aussi, chaque fois que l'un d'entre eux faisait mine de s'intéresser à moi - chose vraiment rare à cause de mon caractère -, passé le stade où je comprenais qu'il ne pouvait pas se moquer de moi en me faisant croire qu'il avait craqué, je me laissais emballer. Enfin, avant de... ressentir comme lui, bien sûr. Cela cassait beaucoup de choses.

Wendy me retourna la question, avec un joli compliment dedans. Je l'en remerciai.

- Tu me flattes, dis donc ! Malheureusement, je n'ai pas de photos de moi plus jeune sur moi... En fait, les plus anciennes que j'aie datent de quand j'avais 13 ans. En tout cas, je n'ai pas eu ton succès auprès de la gente masculine. Ils ne me voyaient pas comme une fille, je crois ! Enfin, ça m'a évité bien des problèmes, vu ce que les autres filles "subissaient", alors je ne peux qu'en être reconnaissante, j'imagine.

Eh oui, je ne voyais que le mauvais côté des aventures amoureuses... Les miennes avaient commencé quand j'avais dans les 18 ans. Les hommes s'intéressaient à moi pour mon physique, je supposais. En tout cas, je m'étais presque hermétiquement fermée à l'amour. Presque... Et malgré ça, sans trop m'en rendre compte peut-être, je le cherchais toujours.

Je me penchai sur un autre sujet évoqué par Wendy: sa mère.

- Ta mère était mannequin, tu dis ? J'ai toujours envié ces femmes... Et en même temps, je les plains un peu ! Elle aimait faire son métier ?

J'étais curieuse d'en apprendre plus sur la vie de quelqu'un fait pour être pris en photo. Et si cette profession n'était pas aussi idyllique que l'on pouvait le croire ?

Wendy paraissait vraiment admirer sa mère. Elles avaient , semblait-il, une relation assez fusionnelle. Ma mère et moi étant également assez proches - bien que d'une façon différente -, je pouvais comprendre ce qu'elle ressentait.

- Sa vie fait rêver... C'est le parfait exemple que tout le monde peut réussir, pas vrai ? Mais dis-moi, comment elle s'appelle ? Imagine que j'en aie déjà entendu parler ! Avec tout ce qu'elle a à son actif, elle doit être assez célèbre. Tu la compares à Tyra Banks ? Celle qui coache les filles de Top Model USA ? Je me trompe peut-être, mais si c'est elle, eh bien, j'ai de quoi l'admirer...

Sa mère avait donc permis à Wendy de naître, grandir, évoluer dans le monde qu'elle choisirait. Les mamans célèbres étant rarement les meilleures, elle pouvait s'estimer très chanceuse d'avoir connu un environnement aussi épanouissant...

Et bien sûr, elle me retourna les questions sur la vie de mes parents. Eh bien, ça, j'avais des choses à raconter, bien qu'elles ne soient pas vraiment réjouissantes.

- Eh bien, ma mère vivait en Argentine, et mon père, des États-Unis, l'a rencontrée là-bas lors de l'un de ses voyages d'affaires. Le coup de foudre, ils sont tombés amoureux. Je suis née, et au bout de quelques années je suis allée vivre avec ma mère dans la famille de mon père. Et me voilà maintenant, ici devant toi...

Je lui souris, tout en ayant une conscience aigüe de toutes les choses que je lui cachais. La misère des bazars, la lutte quotidienne pour la survie devenue routine, "l'accident" survenu avec mon oncle, jusqu'à notre emménagement chez mon père. Et là, il y avait encore le mépris qu'éprouvaient mes grands-parents à l'égard de ma mère, toutes les difficultés d'adaptation au collège et ailleurs, sans parler de mon éternelle empathie...
Je n'étais décidément pas prête à me confier à qui que ce soit. Et puis, c'était plus sûr pour mon... bien-être, de tout garder pour moi. Je n'étais d'ailleurs pas sûre que qui que ce soit fut prêt à l'entendre...

- Et avec ça, j'imagine que tu te demandes comment je peux ne pas croire au coup de foudre, hein ?

Je ponctuai ces paroles d'un rire léger, sans pour autant lui donner la réponse.

[fond=Georgia]Dans l'appartement de Gwen, on parlait, de tout de rien, on en était venu au mère et a leur travail respectif. Wendy avait parlé de sa maman qu'elle admirait et Gwen s'empressa de lui poser des questions dessus. Wendy fut mine de ne pas avoir entendu la question et demande directement comment était la mère de Gwen. Cette dernière lui parla de la rencontre de ses parents. Et même ci elle ne parla pas bien longtemps, Wendy se passionna pour le petit récit. Elle aurait voulu dire "c'est romantique !!" Mais elle n'osa pas, ne voulant pas se faire passer pour une fleur bleu ultime, déjà bien affiché avec Elisa...[/font]

- Franchement, c'est ton opinion pas la mienne. Tu ne veux ou ne pense pas y croire alors ne le fait pas, et même si des personnes qui t'entourer disent que c'est grâce a la magie de l'amour, c'est ton opinion qui compte avant tout.

Le regard de Wendy se posa sur l'horloge, ou était affiché l'heure. Elle regarda un peu mieux, elle s'avait lire l'heure mais elle n'arrivait pas y croire.

-Ah mon dieu ! Il faut que je me dépêche !!!! Je dois te laisser, Ezra doit m'attendre a la maison, j'ai a lui parler. Encore merci pour ce soir, c'était génial, on remettra ça. Salut !

Elle dit au revoir a Gwen et partit rapidement a pied, dans le noir de la ville, seulement éclairé par les lampadaires.

//Wendy quitte le RP//

Malgré son enthousiasme, Wendy ne développa pas à propos de sa mère. Je m'en étonnai un peu, mais laissai tomber et parlai de la mienne.

Le récit de la rencontre de mes parents parut bien plaire à Wendy, même si elle s'abstint de tout commentaire. Présenté comme ça, j'imaginais que ça devait faire scénario de comédie romantique hollywoodienne. Si elle avait su !

J'allais rebondir sur un sujet tout autre, mais le regard de Wendy tomba sur l'horloge. Je suivis le mouvement et... me rendis compte qu'il était très, très tard. Trop tard pour moi, j'avais besoin de dormir si je ne voulais pas couper quelque chose en trop chez quelqu'un demain !
Wendy paraissait du même avis, bien que ce ne fut pas pour les mêmes raisons. Elle s'empressa de me dire au revoir, attrapa son manteau et s'enfuit presque par la porte. J'eus tout de même le temps de la saluer à mon tour.

- à plus Wendy, on se reverra un de ces quatre.

Sur ce, je fermai la porte à clé derrière elle, me prépara pour aller au lit et me couchai sans préambules.

//FIN DU RP//